Guérir après un infarctus : les promesses de la thérapie cellulaire

Guérir après un infarctus : les promesses de la thérapie cellulaire

 

Chaque année, environ 17,3 millions de personnes meurent dans le monde des suites de maladies du cœur et des vaisseaux sanguins – soit près du double de toutes les victimes de la Guerre 1914-1918 !

 

Une équipe de chercheurs de Mulhouse, dans l’est de la France, a eu l’idée d’utiliser des cellules souches pour soigner les victimes d’infarctus. Les premiers résultats sont encourageants.CellProthera-Automate

 

C’est la principale cause de décès dans les pays industrialisés. Des décès qui, souvent, font suite à un infarctus du myocarde. Pour s’attaquer à ce fléau, une équipe de l’Institut de recherche en hématologie et transplantation (IRHT) de Mulhouse, dans l’est de la France, a eu l’idée d’utiliser des cellules souches pour soigner les victimes d’infarctus. Les premiers résultats sont encourageants mais il faut encore les confirmer avec des essais cliniques.

 

Hypertension, diabète, nourriture trop grasse, tabac ou même malformation de naissance… Autant de facteurs pouvant entrainer l’obstruction d’une des artères coronaires, celles qui entourent le cœur. Lorsque cela arrive, le muscle cardiaque n’est plus alimenté et meurt : c’est l’infarctus. C’est arrivé deux fois à Robert Malnati. « La première fois, j’ai eu très mal au bras droit. J’avais mal jusqu’à l’épaule, j’avais l’impression qu’on m’arrachait le bras. Ma femme m’a dit « tu sens la mort, j’appelle le SAMU ». Heureusement ! Cinq minutes plus tard, j’étais mort », s’exclame l’octogénaire. Il explique qu’il a subi plusieurs traitements mais que, neuf ans plus tard, il s’est mis à « tousser du sang ». A l’hôpital, on lui dit qu’il a subi un second infarctus. « Un infarctus plus sévère car le cœur était déjà amoindri. Mais cette fois, je n’avais rien senti. »

 

Essai clinique pilote

 

Le ventricule gauche de Robert Malnati est atrophié à 70 %. Les médecins le savent condamné et l’inscrivent sans lui dire sur la liste d’attente pour une greffe cardiaque. C’est alors que le professeur Philippe Hénon, hématologue et spécialiste des cellules souches à l’IRHT lui propose « d’être un cobaye pour un nouveau traitement, raconte Robert Malnati. Il m’a expliqué qu’au mieux ma santé s’améliorerait, et qu’au pire, rien ne changerait. Je n’avais rien à perdre, alors j’ai dit oui. »

 

L’idée de Philippe Hénon, c’est d’utiliser un certain type de cellules souches pour reconstituer le tissu cardiaque après l’infarctus. Ces cellules, ce sont les CD43+ se trouvant dans la moelle osseuse et qui sont capables de se différencier en plusieurs types de cellules spécialisées, comme les globules rouges ou les globules blancs. « On utilisait déjà les CD34+ dans le traitement de leucémie, dit-il, mais personne à l’époque ne pensait qu’elles pouvaient également être précurseurs de cellules cardiaques et même de cellules de vaisseaux sanguins. » Elles ont l’avantage de provenir du patient lui-même, ce qui évite les problèmes de rejet de greffe et les problèmes éthiques qui se posent avec l’utilisation de cellules souches venant d’embryons.

CellProthera-PhilippeHENON

 

Eviter la greffe cardiaque

 

Le professeur a ainsi obtenu l’autorisation de tester sa théorie avec un essai clinique pilote, en 2002, sur sept malades, tous atteints d’insuffisance cardiaque sévère après un infarctus. Les CD34+ des patients ont été prélevées puis réinjectées directement dans le cœur. « Au bout de six mois, les premières améliorations se sont faites sentir. » C’est le temps qu’il faut aux cellules pour se multiplier et commencer à reconstituer le tissu. « Cette amélioration dure deux ans, explique le professeur, et à la fin on a une reconstitution anatomique et fonctionnelle de 75 % en moyenne du muscle cardiaque ». Surtout, les trois patients qui attendaient une greffe cardiaque ont pu l’éviter. Et plus de dix ans après, comme Robert Malnati, ils vivent normalement.

 

Mais les interventions comme celles qui ont été effectuées sont lourdes pour le patient et difficiles à réaliser pour le praticien. Alors, depuis les premiers essais, Philippe Hénon et son équipe ont simplifié au maximum le protocole. « Avec la procédure de départ, on aurait pu soigner 15 à 20 % des patients. Là, nous ambitionnons de soigner tout le monde. » La collecte des cellules souches d’abord a évolué. Elle est passée d’une filtration du sang du patient (comme lors d’une dialyse) à une simple prise de sang. Pour avoir un greffon de taille suffisante, la société fondée par le professeur a mis au point un automate qui multiplie par 20 le nombre de cellules en neuf jours. Et pour injecter les cellules dans le tissu, plus besoin de réaliser une opération « à cœur ouvert ». « Cela se fait en ambulatoire, sourit le professeur Philippe Hénon, le malade entre le matin, on fait l’injection en passant par les vaisseaux, et il peut sortir le soir. »

 

Guérir l’infarctus

 

Avec des temps d’hospitalisation et de récupération si courts, il n’y a pas que le bien-être du patient qui est amélioré. « L’insuffisance cardiaque coûte 2 à 3 milliards d’euros par an à la France seule, estime le professeur, et 80 % de ce coût est dû au coût de l’hospitalisation ». Des économies substantielles pourraient être réalisées avec ce nouveau protocole.

 

Aujourd’hui, avec le recul, l’hématologue n’hésite pas à dire qu’il peut « guérir quelqu’un qui a eu un infarctus sévère de mauvais pronostic ». Pourtant la greffe n’a pas fonctionné chez tous ses patients et l’un d’entre eux est mort suite à ses problèmes de cœur. « Ce patient avait eu son infarctus longtemps avant notre intervention. On s’est rendu compte que le traitement cellulaire ne fonctionne que si la greffe de cellules souches est effectuée dans les jours qui suivent une crise cardiaque. » Ce qui laisse quand même de l’espoir pour traiter chaque année le million de personnes qui subissent de graves lésions au cœur après un infarctus dans les pays industrialisés. Le nouveau protocole doit maintenant être validé et les premiers résultats confirmés lors de nouveaux essais cliniques de plus grande ampleur qui débuteront en septembre. Avec un début de commercialisation du traitement prévue en 2017.

Jeanne RICHARD – Radio France Internationale

Site : Rfi.fr